Un homme d’origine tunisienne armé d’un pistolet d’alarme, alcoolisé et menaçant plusieurs personnes sur un parking de boîte de nuit a été interpellé par la police à Rennes ce dimanche 22 juin. Quelques heures plus tard, l’affaire était classée sans suite. Ce fait divers, passé relativement inaperçu, illustre néanmoins un phénomène bien plus large et préoccupant : la multiplication des classements sans suite dans des affaires où l’élément délictuel semble pourtant constitué. Entre engorgement judiciaire, tolérance excessive ou absence de volonté politique, la réponse pénale paraît de plus en plus désincarnée.
Les faits se sont déroulés dimanche 23 juin 2024, au petit matin, sur le parking de la discothèque « 1988 » à Rennes. Un homme de 22 ans, né en Tunisie, visiblement alcoolisé, a été interpellé par les forces de l’ordre après avoir menacé des passants avec un pistolet d’alarme. Placé en garde à vue avec droits différés, l’individu a finalement vu son dossier classé sans suite par le parquet. Une décision d’apparence banale, mais dont la légèreté interroge. Bien que le pistolet utilisé n’ait pas été létal, les éléments constitutifs d’une menace avec arme -infraction prévue et réprimée par l’article 222-17 du code pénal1– semblaient réunis. Or, ce classement sans suite, sans renvoi devant un juge, ne permet même pas la tenue d’une audience de confrontation ou la moindre mesure alternative aux poursuites.
Une tendance inquiétante : faits graves, réponses faibles
Ce cas s’inscrit dans une série d’affaires semblables, dans lesquelles des actes délictueux caractérisés n’ont pas été suivis de poursuites. On se souvient, par exemple, de l’agression de policiers en marge de la fête de la musique à Nanterre en 20222 : plusieurs individus avaient été identifiés, mais l’enquête avait été close sans suites, faute de charges suffisantes, selon le parquet.
Autre affaire emblématique, plus récente cette fois-ci : à Tours, le 6 avril 2024, un militant du parti Reconquête! a été violemment agressé par un membre de la mouvance antifa alors qu’il participait à une action de collage d’affiches. L’agression, survenue en pleine rue, a été filmée par des caméras de vidéosurveillance et un certificat médical attestait de deux jours d’incapacité totale de travail (ITT). Pourtant, en dépit de ces éléments tangibles et objectifs, le parquet avait décidé de classer l’affaire sans suite3, estimant que les preuves ne permettaient pas d’établir avec certitude l’identité de l’auteur des coups ; cela alors même que la victime avait identifié formellement son agresseur…
Ces décisions sont loin d’être anecdotiques. Chaque année, des milliers de procédures pénales sont classées sans suite4. Si certaines le sont pour des motifs techniques compréhensibles (absence d’infraction, auteur inconnu), d’autres -non négligeables- portent sur des faits établis, pour lesquels la réponse judiciaire est abandonnée pour des motifs d’opportunité, certes souvent en lien avec la surcharge des tribunaux mais aussi pour des raisons purement idéologiques ou par négligence.
Vers une perte de sens de l’autorité judiciaire ?
Le classement sans suite, s’il peut parfois se justifier dans une logique de priorisation des ressources, tend à devenir un outil de gestion de masse, délégitimant la fonction répressive du droit pénal et en contradiction formelle avec les circonstances dans lesquelles la loi permet un tel classement5. En se privant systématiquement d’une réponse, même minimale (composition pénale, rappel à la loi, médiation…), la justice donne parfois le sentiment de ne plus vouloir juger. Plus encore, cette tendance alimente le sentiment d’impunité, en particulier pour des actes commis dans l’espace public, au contact direct des citoyens. Ce sont précisément ces faits, visibles et concrets, qui contribuent à détériorer le lien entre population et institution judiciaire.
Une réforme en suspens
Ces constats ne sont pas nouveaux, mais leur fréquence et leur banalisation appellent une réévaluation urgente des pratiques. Une politique judiciaire plus cohérente, reposant sur des critères de dangerosité et de récidive, ainsi qu’un renforcement des moyens du parquet, sont des pistes régulièrement évoquées mais peu suivies d’effets. Tant que la réponse pénale ne sera pas lisible, prévisible et proportionnée, elle continuera de perdre en autorité. C’est cette déperdition de sens que notre société ne peut plus se permettre, à l’heure où la confiance dans l’institution judiciaire vacille.
1.https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417660
3.https://www.bvoltaire.fr/impunite-un-antifa-agresse-un-militant-reconquete-laffaire-est-classee/
4.https://www.insee.fr/fr/statistiques/8242371?sommaire=8242421
5.https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1154