Dans une décision1 passée relativement inaperçue du grand public mais lourde de sens pour quiconque s’intéresse à l’état de notre système juridictionnel, le Conseil d’État vient de confirmer la suspension d’une note interne du ministère de l’Intérieur visant à encadrer plus rigoureusement la collecte d’informations sur les étrangers en situation régulière. Une affaire emblématique, non seulement par ce qu’elle révèle de l’impuissance de l’exécutif face à sa propre administration juridictionnelle, mais aussi par la façon dont certains acteurs associatifs, notoirement marqués idéologiquement, mobilisent la justice pour neutraliser toute velléité de fermeté migratoire.
Une initiative ministérielle stoppée net
Rappelons les faits : le directeur interdépartemental de la police nationale de Loire-Atlantique diffusait en novembre dernier à ses services une note intitulée « Information des préfectures sur les délits commis par les étrangers en situation régulière ». Par cette note, il était demandé aux différents services de police de transmettre chaque semaine au service en charge des étrangers de la préfecture, une fiche relative à la situation de chaque étranger en situation régulière placé en garde à vue. « Fiche navette » comprenant diverses informations : situation administrative de l’intéressé, éventuels antécédents judiciaires, éléments relatifs à cette garde à vue…
La note de service prévoyait que la situation administrative des étrangers en situation régulière ayant fait l’objet d’un tel signalement serait évoquée en préfecture afin d’en tirer des conséquences éventuelles quant au maintien de leur droit au séjour. Il ne s’agissait donc, ni plus, ni moins, que de permettre d’examiner si la France avait intérêt ou non à que qu’un étranger en situation régulière mêlé à une affaire pénale bénéficie du droit à se maintenir sur le territoire.
C’est pourtant cette note qui a été suspendue en référé par le Tribunal administratif de Nantes le 4 avril 20252 ; décision qui vient d’être confirmée par le Conseil d’État le 4 juillet, après l’appel formé par le ministère de l’Intérieur.
Un conflit politique derrière une simple question technique
À première vue, il ne s’agissait que de trancher un simple arbitrage juridictionnel sur la proportionnalité du recueil de données au regard des libertés individuelles. Mais l’affaire prend une tout autre dimension lorsqu’on observe la liste des requérants ayant saisi la juridiction administrative : le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et la Ligue des droits de l’homme. Ces organisations, connues pour leur engagement militant marqué à gauche, n’en sont pas à leur premier recours contre toute mesure susceptible de renforcer le contrôle migratoire ou de réaffirmer l’autorité de l’État.
Au-delà de la question de la régularité technique de la procédure suivie par le directeur interdépartemental de la police nationale de Loire-Atlantique, c’est donc bien un but politique que poursuivaient les requérants : entraver toute tentative de lutter contre les méfaits de certains étrangers. Evidemment, le juge administratif ne tranche que la question technique et relevant que la note déférée à son contrôle « instituait un traitement de données à caractère personnel non autorisé par un arrêté ministériel », il confirme le jugement du TA de Nantes et la suspension de la note de service contestée. Il s’agit d’une décision prise en référé et par voie de conséquence, cette affaire sera jugée au fond, dans les prochains mois, devant ce même tribunal administratif de Nantes.
La dimension politique et symbolique de cette affaire n’en est pas moins prégnante.
Des acteurs « syndicaux » qui pèsent sur le droit
Le Syndicat de la Magistrature et le Syndicat des avocats de France, loin d’être de simples corps intermédiaires professionnels, sont depuis longtemps identifiés comme des relais idéologiques influents dans le paysage judiciaire français. Leur stratégie est simple : investir le terrain contentieux pour freiner ou bloquer, au nom de la défense des libertés publiques, des politiques publiques qui heurtent leur lecture militante de l’État de droit. Loin de défendre une neutralité judiciaire, ils revendiquent ouvertement des positions sociétales et politiques comme en témoigne l’histoire du « Mur des cons »3, révélateur d’une certaine conception du rôle du magistrat.
L’affaire de cette note du directeur interdépartemental de la police nationale de Loire-Atlantique n’est qu’un exemple parmi d’autres. Au cours des dernières années, ces mêmes acteurs se sont mobilisés contre l’ensemble des mesures gouvernementales liées à un renforcement de la sécurité publique et ont contribué à l’invalidation de dispositions jugées trop attentatoires aux libertés sans jamais interroger la nécessité de garantir la sécurité collective4. Cette logique de harcèlement judiciaire de laquelle participe cette judiciarisation systématique finit par dessaisir le politique de prérogatives essentielles : c’est bien le juge administratif qui tranche, sous l’impulsion de requérants organisés, des choix pourtant portés par un gouvernement démocratiquement élu.
Une justice administrative au cœur du blocage
Si le Conseil d’État joue un rôle légitime de gardien des libertés fondamentales, en se faisant trop souvent l’écho d’un militantisme de prétoire, il tend à empiéter sur l’équilibre entre contrôle juridictionnel et libre administration politique. Le cas de cette note sur la collecte d’informations est symptomatique : les services de l’État, qui devraient pouvoir connaître les profils des personnes qu’il accueille, se retrouve empêché de mettre en œuvre un simple outil de pilotage administratif.
Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle s’inscrit dans une tendance lourde : le gouvernement a vu plusieurs de ses initiatives migratoires retoquées ou fortement vidées de leur substance par la Haute juridiction administrative ou le Conseil constitutionnel. En janvier 2024 encore, la censure partielle de la loi « Immigration » portait un coup à des mesures symboliques pourtant plébiscitées par une majorité de Français5. De même, la justice a annulé à plusieurs reprises des arrêtés préfectoraux interdisant la distribution de repas aux migrants pour des motifs d’ordre public6. À chaque fois, la décision finale semble échapper au politique.
La légitimité populaire face au filtre idéologique
À force de multiplier ces arbitrages, la justice administrative apparaît de plus en plus comme un verrou idéologique sous l’impulsion d’organisations syndicales dont l’impartialité est régulièrement questionnée. Bien entendu, la défense des libertés reste un principe cardinal ; mais cette défense devient problématique lorsqu’elle neutralise systématiquement toute mesure de régulation de l’immigration, pourtant jugée prioritaire par une grande partie des Français7.
Ce déséquilibre nourrit un sentiment de dépossession démocratique : à quoi bon voter pour un exécutif si ce dernier se trouve désarmé, faute de pouvoir appliquer ses décisions ? À travers cette affaire, c’est une nouvelle illustration de la nécessité de réinterroger la place de certains acteurs militants dans le champ juridictionnel, et plus largement, de restaurer la cohérence entre volonté populaire, action politique et contrôle juridictionnel.
En empêchant le ministère de l’Intérieur de recueillir des informations pourtant cruciales pour le suivi des étrangers présents sur le sol français, le Conseil d’État, poussé par des syndicats notoirement engagés, fragilise l’un des piliers de la souveraineté nationale. À l’heure où la maîtrise de l’immigration reste une attente majeure de nos concitoyens, la question de la neutralité et de l’équilibre de notre justice administrative mérite d’être posée sans tabou.
On pourrait cependant encore relever que les services de police de Loire-Atlantique ont tout de même fait preuve d’amateurisme dans cette affaire en ne parvenant pas à respecter la procédure relative à la constitution de fichiers et donner ainsi le bâton pour se faire battre…
- https://conseil-etat.fr/actualites/le-conseil-d-etat-rejette-un-recours-contre-la-suspension-d-une-note-relative-a-la-collecte-d-informations-sur-des-etrangers-en-situation-reguliere ↩︎
- https://justice.pappers.fr/decision/446691a608ee2bf99456fab7faadef2b0f063aaa ↩︎
- https://www.cnews.fr/france/2025-04-04/quest-ce-que-le-mur-des-cons-que-bruno-retailleau-denonce-face-au-syndicat-de-la ↩︎
- https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021817DC.htm ↩︎
- https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2023-863-dc-du-25-janvier-2024-communique-de-presse ↩︎
- https://douai.cour-administrative-appel.fr/qui-sommes-nous/vie-de-la-cour/la-cour-confirme-l-annulation-des-arretes-pris-par-le-prefet-du-pas-de-calais-a-l-automne-2020-interdisant-les-distributions-gratuites-de-boissons ↩︎
- https://www.lejdd.fr/politique/sondage-69-des-francais-plebiscitent-un-referendum-sur-la-politique-migratoire-143962 ↩︎