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Athènes a adopté, mercredi 3 septembre, une loi qui accélère les retours des demandeurs d’asile déboutés tout en criminalisant certaines situations de séjours irréguliers. L’information fait polémique et est l’occasion de comparer ce nouveau régime grec avec le cadre juridique existant en France.
Le Parlement grec a voté le 3 septembre 2025 en faveur de la mise en place de procédures de « retours forcés » pour les déboutés du droit d’asile refusant de quitter volontairement la Grèce1. Le texte prévoit qu’ils puissent faire l’objet d’une détention administrative pouvant aller jusqu’à 24 mois et met en place des sanctions à l’encontre des séjours irréguliers. Le vote de cette loi accompagne un discours gouvernemental assumé de dissuasion et de non-régularisation des faux demandeurs d’asile mais vrais réfugiés économiques. La loi prévoit encore des peines de prison en cas d’infraction nouvelle (en cas de retour clandestin après une expulsion, une peine minimale de trois ans de prison est prévue), point cardinal qui ne manquera pas d’être scruté au regard du droit de l’UE.
Ce durcissement, initié par le gouvernement de centre droit, intervient dans un contexte de pressions migratoires nouvelles passant par la Crète et l’ile de Gavdos et de critiques récurrentes sur les « pushbacks », c’est-à-dire les mesures de refoulement des migrants illégaux. Si le Conseil de l’Europe a appelé la Grèce à renforcer les garanties aux frontières, Athènes conteste pour sa part ces accusations et met en avant la protection des frontières et l’exécution des éloignements.
Sur la compatibilité européenne : la directive « Retour » 2008/115/CE autorise la rétention en vue d’éloignement jusqu’à 18 mois (6 + 12) et encadre strictement l’emprisonnement pour simple séjour irrégulier avant l’achèvement de la procédure de retour. En revanche, la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) admet la prison en cas de ré-entrée après interdiction. La Grèce devra donc arrimer l’application de sa loi à ces bornes.
En France, l’OQTF (obligation de quitter le territoire français) peut être prononcée par le préfet dans plusieurs cas, dont le séjour irrégulier sans titre. L’IRTF (interdiction de retour) peut accompagner ou suivre l’OQTF, jusqu’à cinq ans en principe, avec sanctions pénales en cas de méconnaissance de l’interdiction.
La rétention administrative est possible lorsque l’assignation à résidence ne suffit pas à prévenir le risque de fuite. Le droit commun porte la durée maximale à 90 jours, avec un contrôle du juge des libertés ; un régime dérogatoire peut aller jusqu’à 210 jours dans des cas exceptionnels. Ces plafonds s’accordent avec la directive « Retour » fixant une durée limite précitée de 18 mois.
La loi du 26 janvier 2024 a tenté d’ajuster le dispositif, mais de nombreux articles en ont été censurés par le Conseil constitutionnel, rappelant les bornes constitutionnelles à toute politique de fermeté.
Le cœur du sujet est l’exécution des mesures d’éloignement du territoire. En 2024, environ une OQTF sur dix a été effectivement exécutée en France : environ 15 000 éloignements réalisés pour environ 130 000 OQTF prononcées. Il convient de noter ici que la France est l’un des pays européens qui prononce le plus d’OQTF ce qui participe de l’explication de notre taux d’exécution plus faible que certains de nos voisins. Une tentation pour un ministre de l’Intérieur qui voudrait gonfler ses résultats à moindre frais serait de demander aux préfets de prononcer moins d’OQTF et de maintenir le niveau l’expulsion actuel ; ce qui permettrait de présenter médiatiquement un meilleur ratio d’exécution des OQTF…
Les freins identifiés, outre ceux de nature idéologique, sont de nature procéduraux, matériels et diplomatiques (contentieux multiples, nombre de places en CRA, refus de délivrance de laissez-passer consulaires). À cela s’ajoutent les recours fréquents introduits par les associations immigrationnistes ou autres ONG pro-migrants, qui contestent systématiquement les pratiques de détention prolongée, de refoulements et d’expulsions forcées devant les tribunaux nationaux et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et viennent suspendre les procédures d’éloignement. Les mesures adoptées par la Grèce visent justement à combler cet angle mort par la détention longue et la dissuasion pénale.
Au niveau européen, la jurisprudence encadre ce type de mesure : d’abord la procédure de retour et les mesures coercitives « les moins contraignantes », puis, le cas échéant, la détention. Selon ces règles, la détention et la prison ne sont recevables qu’en cas de ré-entrée sur le territoire après interdiction ou d’obstruction caractérisée à la reconduite à la frontière. Toute réforme « à la grecque » en France devrait rester dans ces rails pour être tenable, dans le cadre des règles européennes actuelles.
La Grèce mise sur la certitude du retour pour restaurer l’effet dissuasif de ses mesures. La France dispose des mêmes leviers de droit (OQTF, IRTF, rétention), mais en applique mal l’aboutissement. Une politique crédible repose moins sur la création d’infractions nouvelles que sur l’exécution rapide, juridiquement sécurisée et systématique des décisions, avec un suivi juridictionnel strict. C’est la voie d’une fermeté efficace et conforme au droit européen ; encore faudra-t-il que le Conseil constitutionnel laisse les gouvernants et le Parlement la mettre en œuvre.
Sources :