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Souvenez-vous, en juillet dernier, Rachida Dati, ministre de la Culture, s’est livrée à une charge virulente contre les magistrats sur LCI, après son renvoi en procès pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire Renault-Nissan. Une confrontation qui révèle une défiance croissante envers l’institution judiciaire française.
Rachida Dati, ministre de la Culture et ancienne garde des Sceaux ! a marqué les esprits lors de son passage sur le plateau de LCI le 22 juillet dernier. Renvoyée en procès pour corruption, trafic d’influence passif, recel d’abus de pouvoir et d’abus de confiance dans l’affaire Renault-Nissan, elle a choisi une défense offensive, dénonçant une « procédure émaillée d’incidents » et pointant du doigt des magistrats qui, selon elle, « marchent sur les droits de la défense ». Ces déclarations, d’une rare virulence pour une ministre en exercice, ont suscité l’indignation du monde judiciaire et illustrent un niveau de défiance inédit à l’égard de la Justice en France ; cela quand bien même la situation de Mme Dati soit assez peu confortable dans cette affaire.
Sur LCI, Rachida Dati, magistrate de formation, n’a pas mâché ses mots. Brandissant des documents qu’elle présentait comme des preuves de son travail légitime, elle a dénoncé des « atteintes graves » aux droits de la défense, allant jusqu’à accuser certains magistrats de ne pas respecter le code de procédure pénale. Elle a également mis en cause directement le procureur financier, Jean-François Bohnert, affirmant l’avoir rencontré pendant deux heures trente et qu’il lui aurait confessé que « son parquet dysfonctionnait » et que les charges contre elle « ne tenaient pas ». N’en déplaise à Mme Dati, elle aurait dû se souvenir que « testis unus, testis nullus » et d’ailleurs, ses propos ont été immédiatement démentis par M. Bohnert, qui a réaffirmé son soutien aux magistrats du Parquet national financier (PNF) et son implication personnelle dans la demande de renvoi en procès…
Le président du tribunal judiciaire de Paris, Peimane Ghaleh-Marzban, a également réagi, dénonçant « l’opprobre jeté publiquement sur des magistrats » et un discours qui « sape la confiance légitime des citoyens dans la justice ». Ces attaques ont même conduit à un signalement déposé le 28 juillet par Raymond Avrillier, ancien élu grenoblois de gauche, pour « outrage à magistrat » et atteinte à l’indépendance de la justice, actuellement à l’étude par le parquet de Paris.
Au cœur de l’affaire, Rachida Dati est accusée d’avoir perçu 900 000 €, entre 2010 et 2012, pour des prestations de conseil auprès de RNBV, une filiale de Renault-Nissan ; prestations intervenues alors qu’elle était dans le même temps avocate et député européenne. Les juges d’instruction estiment que ces activités s’apparentent à du lobbying, une pratique pourtant incompatible avec son mandat d’élue et sa profession d’avocate. Selon l’ordonnance de renvoi, la convention d’honoraires aurait servi à masquer l’existence d’un « pacte de corruption » avec Carlos Ghosn, ex-PDG de Renault-Nissan, également renvoyé en procès mais résidant au Liban depuis sa fuite du Japon où il résidait sous contrôle judiciaire (Liban qui ne dispose pas de convention d’extradition avec le Japon). Rachida Dati conteste évidemment fermement ces accusations, affirmant que ses prestations étaient réelles et qu’elles portaient sur des enjeux stratégiques internationaux, notamment au Maroc, en Algérie, en Iran et en Turquie… On reste libre de ne pas être convaincu par son argumentation.
Rachida Dati n’a pas hésité à suggérer l’existence d’un calendrier judiciaire suspect, évoquant une « coïncidence » entre son renvoi en procès et la proximité des élections municipales de 2026, où elle ambitionne de briguer la mairie de Paris. Cette hypothèse d’un acharnement judiciaire, bien que non étayée, trouve un écho favorable dans une période de crise de confiance à l’endroit de l’institution judiciaire. Ses avocats, Olivier Baratelli et Olivier Pardo, ont annoncé un appel de la décision de renvoi, dénonçant l’absence de preuves concrètes et la disparition d’un contrat clé de 2009. Cependant, la multiplication de ses recours (une quarantaine selon Libération) n’a pas empêché la procédure d’avancer. Par ailleurs, on a connu Mme Dati moins disserte lorsque d’autres cas, explicites ceux-ci, d’acharnement judiciaire sont documentés.
Ce bras de fer entre Rachida Dati et les magistrats illustre néanmoins le climat de défiance envers l’appareil judiciaire, qui ne se limite plus à la base populaire ; et Mme Dati cherche habilement à en jouer. Lorsque le ministre de la culture par ailleurs ancien magistrat et garde des Sceaux, s’en prend publiquement à l’institution judiciaire, elle met en évidence un malaise largement partagé dans la population et cherche à s’appuyer sur celui-ci pour étayer sa défense et obtenir les faveurs de l’opinion publique. Quel que soit le fond de l’affaire, la culpabilité ou non de Rachida Dati, le simple fait que cette dernière oriente sa défense en remettant en cause l’impartialité des juges témoignent d’un malaise partagé autour de l’Institution.
Soutenue par Emmanuel Macron, qui a rappelé qu’un « renvoi n’est pas une condamnation », et par Gérald Darmanin, qui souhaite « ardemment » la voir devenir maire de Paris en 2026, Dati bénéficie d’une solidarité gouvernementale qui contraste avec les critiques des magistrats. Cette affaire, loin d’être un simple contentieux judiciaire, révèle également fracture plus profonde entre le pouvoir politique et une justice perçue, à tort ou à raison, comme instrumentalisée.
En somme, le « Dati Show » sur LCI n’est pas qu’une défense personnelle : il met en lumière une crise de confiance envers l’institution judiciaire, où les accusations de partialité ne sont plus l’apanage des citoyens ordinaires, mais émanent désormais des plus hautes sphères de l’État.