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Alors que la municipalité de Marseille vient de verser 130.000 € à SOS Méditerranée, la région Nouvelle Aquitaine 40.000 €, la Région Bretagne 530.000 € en 5 ans (100.000 € en Juin dernier!) La question de la pertinence de ces financements publics à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros, perçus annuellement par l’association se pose inévitablement.
Soutenue par 116 collectivités territoriales, dont les subventions représentent 9% de son budget annuel, SOS Méditerranée se définit comme « une association humanitaire indépendante de tout parti politique et de toute confession, qui se fonde sur le respect de l’être humain et de sa dignité 1». Pourtant, l’association n’a jamais hésité à vertement critiquer les politiques européennes de restriction des flux migratoires et à encourager le débarquement immédiat, dans les pays européens, des migrants recueillis2.
L’Allemagne a récemment annoncé la fin des subventions à destination des ONG engagées dans le sauvetage en mer civil3, qu’en est-il de la France?
Par un ancien arrêt de section du 28 juillet 19954, le Conseil d’État avait précisé les trois conditions cumulatives d’attribution d’une subvention par une collectivité : l’existence d’un intérêt public, une réponse aux besoins de la population et l’exigence de neutralité sur le plan des politiques nationales comme internationales.
Par exception, les collectivités territoriales peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire, sans répondre nécessairement à un intérêt public local, « dans le respect des engagements internationaux de la France5 » et de l’obligation de neutralité.
Au titre de cette aide, très souvent financière, plusieurs Tribunaux administratifs avaient admis la légalité des subventions versées par des collectivités locales pour soutenir les associations recueillant les migrants en mer6.
Toutefois, l’imprécision des critères jurisprudentiels d’attribution des subventions aux associations de migrants avait conduit deux Cours administratives d’appel à se prononcer de manière contradictoire sur l’octroi de subventions à l’association SOS Méditerranée7.
C’est pourquoi, par trois arrêts rendus le 13 mai 20248, la section du contentieux du Conseil d’État a précisé les critères d’attribution d’une subvention publique versée à une association d’aide aux migrants.
Les affaires portaient sur l’attribution de subventions (100 000 € par la ville de Paris, 20 000 € par le département de l’Hérault et 15 000 € par la ville de Montpellier) à l’association SOS Méditerranée9.
La Haute Juridiction rappelait tout d’abord que la loi permet aux collectivités territoriales de soutenir toute action d’aide humanitaire qui respecte les engagements internationaux de la France et n’interfère pas avec la politique internationale conduite par l’État. Le Conseil d’État ajoutant que les collectivités devaient toutefois toujours s’assurer que leurs subventions financent uniquement des activités humanitaires et non des activités politiques10.
Le Conseil d’État juge que l’activité de sauvetage en mer de SOS Méditerranée est bien une action internationale à caractère humanitaire, et non une action de nature politique. Pour autant, ajoutait la Haute juridiction, le fait que les responsables de SOS Méditerranée aient pris des positions dans le débat public sur la politique de l’Union européenne et de certains États en matière de sauvetage en mer des migrants en Méditerranée ne constituait pas un motif suffisant pour interdire aux collectivités territoriales d’apporter un soutien à son activité opérationnelle de sauvetage en mer11. En clair, la subvention doit être précisément fléchée vers le financement d’activités de sauvetage en mer pour être licite.
Au regard de ces critères, le Conseil d’État rejette les recours formés contre les subventions accordées par la Ville de Paris et le département de l’Hérault, mais annule celle attribuée par la commune de Montpellier, la considérant insuffisamment fléchée.
On ne pourrait, à première vue, que saluer la volonté des juges du Palais Royal de préciser les critères d’appréciation de la licéité d’une subvention versée à une association d’aide aux migrants, guidée par un souci de traçabilité des deniers publics, à l’heure où le déficit budgétaire atteint des sommets.
Toutefois, à seconde vue, ces trois décisions, qui tracent une ligne extrêmement ténue entre but humanitaire et militantisme politique, traduisent en réalité une certaine complaisance des juges à l’égard des associations immigrationnistes.
En effet, en jugeant que l’activité de sauvetage en mer de SOS Méditerranée constituait une action internationale à caractère humanitaire, susceptible de bénéficier de subventions, sans aucun caractère politique, les juges choisissent d’omettre l’activisme politique revendiqué de l’association -que nul ne saurait nier, pas même le juge d’appel. Dans son arrêt du 3 mars 2023, la CAA de Paris soulignait en effet tout autant la « dimension humanitaire » que la « dimension critique à l’égard des politiques en matière d’immigration et d’asile révélée par les prises par les prises de position publiques de ses responsables ». Au point, relevait la Cour, « d’engendrer des tensions entre États membres, notamment la France et l’Italie12 ».
Les juges du Conseil d’État étaient donc parfaitement avertis de l’activisme politique de SOS Méditerranée ; activisme qu’ils n’ont pas cru bon de prendre en compte, considérant, dans un angélisme excessif, que de telles prises de position n’affectaient pas l’action humanitaire internationale de l’association.
Au-delà de l’analyse purement juridique de la décision, il est intéressant d’analyser le profil des juges d’État ayant rendu l’arrêt. En y regardant de plus près, il apparaît que le Président de la section du contentieux du Conseil d’État n’est autre que Christophe Chantepy, depuis le 27 janvier 2021.
Comme indiqué sur le site du Conseil d’État, Christophe Chantepy, diplômé de l’École centrale des arts et manufactures ainsi que de l’Institut d’études politiques de Paris, intègre le Conseil d’État en 1986 à la sortie de l’ENA.
Outre ce parcours au Conseil d’État, Christophe Chantepy a dirigé les cabinets de Ségolène Royal (1997-2000, enseignement scolaire), de Michel Sapin (2000-2002, fonction publique), et de Jean-Marc Ayrault (2012-2014, Premier ministre). Tous ces technocrates ont en commun d’avoir été d’importantes figures du parti socialiste et de fervents défenseurs de ses idées progressistes et immigrationnistes. Plus précisément, Christophe Chantepy est toujours resté très proche de Ségolène Royal -il en fut d’ailleurs le directeur de cabinet de sa campagne présidentielle en 2007- et de François Hollande.
En outre, Christophe Chantepy fut ambassadeur de France en Grèce (2015-2019) et Président de section à la Cour nationale du droit d’asile (2003-2012).
Ce qui explique que sa nomination en 2021 fut perçue comme éminemment stratégique pour le parti socialiste, dont il est membre depuis 1980, mais controversé en raison de son fort engagement politique.
Dès lors, la décision rendue par la section du contentieux du Conseil d’État était malheureusement presque écrite d’avance au vu des idées immigrationnistes et de la ligne idéologique historiquement défendues par son Président. Les subventions pourront donc continuer de pleuvoir, grâce au Conseil d’Etat ET à l’argent du contribuable.