Meurtre d’Alban Gervaise : la folie n’excuse pas tout!

Le 10 mai 2022, Alban Gervaise, 40 ans, médecin militaire, avait été poignardé à mort alors qu’il se trouvait à proximité du groupe scolaire catholique Sévigné à Marseille. L’émotion fût intense en France après le drame. Ce mercredi 25 juin 2025, trois ans après les faits, nous apprenons que la chambre d’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence déclare pénalement irresponsable son meurtrier, eu égard à trois expertises psychiatriques ayant conclu à une abolition du discernement de celui-ci au moment des faits. De quoi se demander une fois de plus encore si le prétexte du trouble mental n’est pas devenu l’alpha et l’oméga du laxisme judiciaire qui s’exprime à l’encontre des familles des victimes et de la société toute entière.

Rappelez-vous : le 10 mai 2022, Alban Gervaise, père de famille, venait chercher ses deux fils de 3 et 7 ans à l’école. Subitement, alors qu’il patiente dans sa voiture aux côtés de sa fille de 20 mois installée dans un siège auto à l’arrière du véhicule, il se retrouve attaqué violemment par Mohamed L., 23 ans, qui pénètre dans la voiture du côté passager. L’agression continue ensuite à l’extérieur du véhicule. L’individu poursuit le père de famille puis finit par le bousculer dans un laurier. S’ensuit un acharnement qui fait froid dans le dos. À une dizaine de reprises, l’assaillant poignarde Alban Gervaise, au niveau du cœur notamment. Malgré 17 jours de réanimation, le médecin militaire succombe à ses blessures. Le meurtrier avait été maîtrisé par deux passants avant que les policiers ne le placent en garde à vue. S’il n’avait pas de casier judiciaire, il était néanmoins déjà connu des services de police pour des affaires de stupéfiants.


Après un passage durant quatre mois à la prison des Baumettes, de la cité phocéenne, Mohamed L. a été transféré dans une unité médiale psychiatrique après avoir tenté d’agresser un surveillant pénitentiaire. Puis, deux ans plus tard, en juin 2024, il est admis dans une unité hospitalière accueillant des personnes censées être moins dangereuses. Depuis, il attendait tranquillement son jugement, sachant que tout indiquait déjà qu’il allait être reconnu comme pénalement irresponsable. À la fin de l’année dernière1, l’ultime expertise psychiatrique du suspect confirmait en effet « l’abolition de son discernement », ce sur quoi les juges s’appuient systématiquement pour dédouaner les coupables de leur responsabilité pénale.


La décision de la chambre d’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence est donc tombée ce mercredi 25 juin2. Il est effectivement déclaré pénalement irresponsable et ne sera donc pas jugé par une cour d’assises, ce qui lui permet d’échapper au régime carcéral. Pour l’heure, il reste hospitalisé sous contrainte. Mais nous ne savons pas pour combien de temps. De quoi légitimement inquiéter l’épouse d’Alban Gervaise qui se demande comment expliquer à ses enfants que le meurtrier de leur père ne sera pas jugé. Surtout, comme elle l’a exprimé dans les colonnes du Figaro, elle s’alarme d’une possible récidive du meurtrier. C’est donc très courageusement qu’elle s’est engagée dans une structure qui tente d’ouvrir le débat sur la question de l’irresponsabilité pénale, l’association Delphine-Cendrine3.

Christelle Gervaise4 soulève plusieurs questions qui méritent toute notre attention :
– Est-ce cohérent de faire une expertise psychiatrique quatre mois après les faits dans des affaires si graves ?
– Dans ce type de situation, n’est-on pas plus souvent en présence d’une altération que d’une abolition du discernement ?5
– Qu’est-ce qui est mis en place pour nous assurer que cette personne ne va plus être dangereuse pour la société ? D’autant que comme Christelle Gervaise l’a précisé, la mesure d’éloignement qu’elle avait demandé lui a été refusée6.
– Comment fait-on pour retrouver un patient qui ne viendrait pas prendre son traitement et qui s’expose à une récidive de phase délirante ?

Au-delà, une question plus générale demeure surtout : comment faire en sorte que la société se sente à l’abri quand trop de meurtriers se réfugient sous l’abri de la folie pour échapper à la détention ? Et ainsi, pourquoi pas concilier directement soins psychiatriques et prison, ce qui enverrait tout de même le message que l’Etat protège ses citoyens de la folie meurtrière ? Il est en tout cas plus que temps de changer de braquet sur ce sujet qui revient dans l’actualité trop souvent parce que c’est aussi la réponse que nous devons aux familles des victimes.

  1. https://www.lefigaro.fr/faits-divers/meurtre-d-alban-gervaise-devant-une-ecole-catholique-a-marseille-le- suspect-devrait-etre-declare-penalement-irresponsable-20241206 ↩︎
  2. Dans son arrêt daté de mercredi, la Chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix estime que « Mohamed L. se trouvait atteint au moment des faits d’un trouble psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». ↩︎
  3. https://www.cendrine.org/ ↩︎
  4. https://www.lefigaro.fr/faits-divers/comment-expliquer-a-mes-enfants-que-le-meurtrier-n-ira-pas-en-prison- les-craintes-de-l-epouse-d-alban-gervaise-face-a-l-irresponsabilite-penale-20250625 ↩︎
  5. https://observatoire-justice.org/quand-la-folie-absout-larticle-122-1-comme-instrument-de-limpunite/ ↩︎
  6. https://www.europe1.fr/emissions/L-interview-de-7h40/le-meurtrier-dalban-gervaise-declare-irresponsable-penalement-ca-reste-une-decision-difficile-a-accepter-confie-christelle-gervaise-761216 ↩︎

Jean d'Aurimont

Jean d'Aurimont

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