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À Paris XIXᵉ, un commerçant sauvagement attaqué par un toxicomane riposte pour se défendre. Il finit en garde à vue, puis se voit condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis! Ce cas interroge la lecture judiciaire, parfois tordue, de la légitime défense et le signal envoyé aux victimes. Mis en lumière par Tony Pittaro et largement relayé sur les réseaux sociaux, ce témoignage presque banal aujourd’hui n’a pas connu de relais médiatique ; nous nous efforçons ici d’expliquer comment un cas aussi absurde peut exister dans le système judiciaire français.
Après la bagarre entre le toxicomane et le commerçant agressé, ce dernier est placé en garde à vue. Celle-ci n’est pas sensée être une peine. Il s’agit d’une mesure de contrainte, d’un outil d’enquête lorsqu’il il existe un soupçon d’infraction et un besoin de vérifications (art. 62-2 CPP). En matière de violences, les parquets auditionnent systématiquement les deux parties, surtout si une arme par destination a été utilisée ou lorsque des blessures sont constatées. Dans le cas présent, le restaurateur avait utilisé pour sa défense une bombe lacrymogène. Le placement en garde à vue n’est donc pas incohérent par principe. La condamnation à trois mois d’emprisonnement avec sursis indique que le tribunal a retenu des violences volontaires mais a jugé le commerçant et le contexte atténuants, sans mandat de dépôt.
Le régime de la légitime défense obéit aux dispositions de l’article 122-5 du code pénal et exige la réunion de cinq conditions cumulatives : agression injustifiée, actuelle, riposte nécessaire, simultanée et proportionnée. La présomption spéciale de légitime défense ne vise, en vertu de l’article 122-6, que des circonstances très particulières : intrusion nocturne au domicile ou défense contre un vol/rapt exécuté avec violence ; cette hypothèse ne s’applique que très exceptionnellement à des altercations sur la voie publique ou devant un commerce. En pratique, tout débordement de la riposte apportée après la cessation du danger ou toute intensité jugée excessive fait tomber l’exonération.
Au-delà du cas d’espèce ayant occasionné ce jugement, il ressort de la jurisprudence que certaines circonstances justifient, aux yeux du tribunal, l’absence de reconnaissance de la légitime défense :
Sans images ou témoignages particuliers, les juges retiennent la version la plus crédible au vu des constatations médicales. Le doute profite rarement à une légitime défense « élargie ».
Dans des quartiers éprouvés par des troubles liés aux stupéfiants, la décision produit un effet de refroidissement : commerçants et riverains perçoivent un risque pénal au simple fait de se défendre d’une agression. Alors qu’ils sont déjà victimes, le simple fait de se défendre pour ne plus être victime les expose à l’être plus encore ! Alors que le droit pénal est censé privilégier et défendre la maîtrise de l’ordre public et le contrôle de l’escalade des violences. Le résultat visible, ici, est un sentiment d’inversion des rôles : l’agresseur primaire échappe souvent à une réponse immédiate tandis que la riposte est scrutée au millimètre.
– A minima, il convient de clarifier la proportionnalité par voie de circulaire en émettant des lignes directrices sur les ripostes admissibles en environnement commercial. Pour autant les tribunaux resteront libres de suivre ou pas ces recommandations.
– Élargir la présomption de légitime défense aux agressions dans un établissement ouvert au public, sur critères stricts (attaque violente, menace d’atteinte grave). Cela suppose une réforme législative et la réécriture de l’article 122-6 du code pénal.
– Objectiver les faits : exploitation prioritaire et systématique des images de vidéosurveillance, voire des témoignages avant poursuites.
– Symétriser la réponse pénale : poursuites rapides et visibles de l’agresseur initial, y compris quand la victime a riposté.
Tant que la grille actuelle restera interprétée de façon restrictive par les tribunaux, des victimes continueront d’être condamnées pour avoir dépassé, parfois de peu et parfois aux seuls yeux de juges idéologiquement acquis à la rédemption des agresseurs, la ligne mouvante de la « bonne » défense.