Squat des piscines privées : l’aberration juridique qui accable les propriétaires

Chaque été, les piscines privées sont prises d’assaut par des intrus, un phénomène en hausse qui perturbe évidemment les propriétaires et soulève des enjeux juridiques complexes. Le décès d’un septuagénaire belge à Cogolin1, le 3 septembre 2025 lors d’une altercation avec quatre mineurs agressifs qui se sont introduits sans autorisation dans la propriété afin de profiter de sa piscine en le menaçant de l’égorger et de violer sa femme, illustre la gravité de certaines situations où les intrus sont clairement des délinquants. Scandale qui défie toute logique, ces occupations illégales, bien que punissables selon l’article 226-4 du Code pénal, exposent paradoxalement les propriétaires à une responsabilité civile en cas d’accident, même en présence d’une intrusion.

L’été 2025, marqué par une vague de chaleur, a vu se multiplier les intrusions dans les piscines privées, particulièrement dans des régions comme la Haute-Garonne ou la Côte d’Azur. Selon Le Figaro, les services de Police enregistreraient jusqu’à 10 à 15 signalements quotidiens dans certaines villes méditerranéennes. À Gaillac (Tarn), la fermeture des piscines publiques exacerbe ces intrusions, poussant des individus à escalader les clôtures de résidences privées. 

Un cas d’intrusion à Toulouse en 2022 est resté emblématique. Un jeune de 18 ans est devenu tétraplégique après un plongeon raté dans la piscine d’une copropriété. Si les versions de cette affaire divergent, le jeune étant entré illégalement pour les uns et à l’invitation de copropriétaires pour les autres, cela illustre néanmoins les conséquences éventuelles d’un tel accident. Le jeune blessé a en effet, par la voie de son conseil, interrogé le syndicat de copropriétaires de la résidence afin de mettre en cause son éventuelle négligence dans l’entretien et la sécurisation de la piscine.

Règle de droit et jurisprudence : une responsabilité paradoxale

En droit français, l’intrusion dans une piscine privée constitue une violation de domicile, punissable selon l’article 226-4 du code pénal (jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende). Pour autant, cela n’empêche pas, en cas d’accident du baigneur, que la responsabilité civile des propriétaires puisse être engagée, même en cas d’occupation illégale2

L’article 1244 du code civil dispose que le propriétaire d’un bien est responsable des dommages causés par celui-ci, notamment en cas de défaut d’entretien ou de vice de construction. Dans le cadre des copropriétés, l’article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 impose une responsabilité de plein droit du syndicat pour les dommages liés aux parties communes (Cass. 3e civ., 30 nov. 2023, n° 22-22.7383) ; ce qui est le cas d’une piscine. La jurisprudence est stricte : la Cour de cassation exige que le propriétaire prouve une force majeure ou une faute exclusive de la victime pour pouvoir s’exonérer de sa responsabilité (Cass. 2e civ., 15 sept. 20224). 

Dans l’affaire toulousaine, la victime argue d’un défaut de sécurisation, bien que les copropriétaires affirment avoir affiché les profondeurs et demandé aux baigneurs de partir. La loi du 3 janvier 2003 impose en effet des dispositifs de sécurité (barrière, alarme, couverture rigide) et leur absence peut entraîner une condamnation du propriétaire ; la même règle s’appliquerait face à un squatteur. Toutefois, une faute grave de la victime, comme un plongeon imprudent dans une eau peu profonde, peut réduire ou exonérer la responsabilité (Cass. 2e civ., 29 mars 2018, n° 17-15.9185).

Cette aberration juridique, qui oblige les propriétaires à sécuriser leur bien sous peine de sanctions, tout en laissant les délinquants potentiellement exonérés, est un affront au bon sens. Jusqu’où devra-t-on protéger des intrus au mépris des droits des propriétaires ?

Sources :  

https://www.ouest-france.fr/societe/justice/il-devient-tetraplegique-apres-avoir-squatte-une-
piscine-privee-et-poursuit-les-proprietaires-0559a700-5e37-11ef-85ef-978943d97cd6

https://www.maison-travaux.fr/actualites/squat-piscine-justice-plainte-accident-reparation-
570107.html

https://www.europe1.fr/societe/sur-la-cote-dazur-des-squatteurs-se-baignent-dans-la-piscine-
des-autres-761867
https://policeetrealites.com/2025/06/28/%f0%9f%87%ab%f0%9f%87%b7-squat-de-piscines-
privees-en-cas-daccident-les-proprietaires-risquent-de-lourdes-sanctions/#google_vignette

https://www.courdecassation.fr/acces-rapide-judilibre

  1. https://www.lalibre.be/international/europe/2025/09/08/un-touriste-belge-decede-en-france-apres-une-dispute-avec-des-mineurs-qui-squattaient-sa-piscine-on-leur-demandait-simplement-de-quitter-les-lieux-7NQUHONH6ZHUVDEPMSD3L3B6AU/ ↩︎
  2. https://www.actu-juridique.fr/civil/immobilier/la-copropriete-la-piscine-et-le-squatteur-hypotheses-juridiques-autour-dun-triste-fait-divers ↩︎
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048550454 ↩︎
  4. https://www.courdecassation.fr/decision/6322ce8539bd63fcb09450b1 ↩︎
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036780127 ↩︎
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Olivier Jehannin de Chamblanc

Olivier Jehannin de Chamblanc a suivi un cursus universitaire à l’Université de Bourgogne, complété par une préparation à l’examen de l’ENS Droit au lycée Gustave Eiffel. Après une année d’études en droit européen et histoire du droit à l’Université Comenius de Bratislava, il retourne à Dijon pour un Master 1 généraliste. En cinquième année de son cursus, il s’installe à Paris, où il obtient un diplôme en histoire du droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas.

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