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Le 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a censuré partiellement la loi dite « Duplomb », invalidant notamment la disposition visant à réintroduire, sous conditions, l’usage de l’acétamipride, un insecticide autorisé à l’échelle européenne jusqu’en 2033. Cette décision, fondée sur le respect de la Charte de l’environnement, soulève des questions majeures non seulement sur l’avenir de certaines filières agricoles françaises mais surtout sur la nature même du pouvoir exercé par le Conseil constitutionnel. Derrière cette décision se profile une mutation inquiétante du rôle des juges constitutionnels : celle qui en fait les censeurs de l’ordre politique. Mutation rendant certains choix inaccessibles à la délibération démocratique.
Dans sa décision n° 2025-891 DC du 7 août 20251, le Conseil constitutionnel a estimé que l’article 2 de la loi Duplomb prévoyant la réintroduction de l’acétamipride « sous conditions », portait atteinte à l’article 1er de la Charte de l’environnement intégrée au bloc de constitutionnalité depuis 20052. Il considère que cette mesure ne garantit pas un niveau de protection suffisant de l’environnement et de la santé et que les dispositions de la loi manquent de clarté et de précision quant aux conditions de cette réintroduction.
Or, à la lecture des points 79 à 84 de la décision, on constate que le Conseil impose en réalité un niveau de justification législative inédit. Il reproche au Parlement de ne pas avoir inscrit, dans la loi elle-même, les éléments scientifiques, les garanties techniques et les mesures d’encadrement permettant d’éviter tout risque grave. Cette exigence transforme la loi, texte de principe, en un quasi-règlement d’application technique. Ainsi, le Conseil constitutionnel s’écarte-t-il une nouvelle fois de sa mission de contrôle de la constitutionnalité des lois soumis à son jugement. Comme on le voit de plus en plus fréquemment, il ne se contente plus de vérifier la cohérence juridique des textes mais intervient sur leur contenu politique au nom d’une exigence de sécurité environnementale qu’il construit lui-même à partir d’un article au libellé pourtant général. Ce faisant, il réinterprète la Charte de l’environnement pour en faire une norme contraignante à portée quasi-absolue, mais soumise à sa seule interprétation.
L’intégration de la Charte de l’environnement dans le bloc de constitutionnalité, bien qu’ayant suscité peu de débats lors de sa promulgation en 2005, se révèle aujourd’hui un facteur majeur de déséquilibre dans la hiérarchie des normes. Conçue pour rappeler des principes d’équilibre écologique, la Charte sert désormais de fondement à des censures très concrètes, touchant des choix politiques essentiels, comme ici l’encadrement d’un insecticide pourtant autorisé au niveau européen.
La question qui se pose alors est la suivante : comment un texte aussi général, non débattu quant aux contours de ses applications juridiques concrètes, peut-il désormais peser plus lourd que les décisions du législateur ? Cette évolution n’est pas isolée. En 2020 déjà3, le Conseil d’État avait utilisé l’Accord de Paris pour imposer des obligations de résultats environnementaux aux pouvoirs publics, indépendamment de l’intérêt général, des considérations économiques ou encore sociales.
Le même jour, le 7 août 2025, dans une autre décision passée plus discrètement, les Sages ont également invalidé une disposition législative relative à la rétention des étrangers dangereux condamnés pour des actes graves au nom d’exigences constitutionnelles critiquables4. La coïncidence est révélatrice : dans deux domaines sans lien l’un avec l’autre, le premier agricole et le second sécuritaire, le Conseil constitutionnel impose sa propre lecture de l’intérêt général contre celle votée par le Parlement, avec l’accord du gouvernement.
Cette affaire révèle, en filigrane, un glissement progressif mais redoutable : celui du pouvoir normatif du Parlement vers un pouvoir de veto idéologique du Conseil constitutionnel. Cette instance, censée être le gardien des libertés et de l’équilibre institutionnel, devient progressivement un organe de contrôle de l’action politique au nom d’interprétations extensives de principes généraux parfois flous. Qu’une loi votée par les représentants de la Nation, en réponse à une situation de détresse agricole documentée et validée par le gouvernement, soit ainsi invalidée au nom d’une lecture rigide et maximaliste du texte constitutionnel en dit long sur la dérive de notre système. La souveraineté alimentaire de la France s’en trouve affaiblie tout comme la confiance des agriculteurs et plus largement des citoyens dans les plus hautes institutions de notre pays.
Il ne s’agit pas de nier l’importance du contrôle constitutionnel, mais de s’interroger sur la manière dont il s’exerce lorsque certaines décisions tendent à neutraliser l’action du législateur dans des domaines stratégiques. Lorsqu’un texte adopté est invalidé non pour son incohérence juridique manifeste ou son danger mais parce qu’il ne satisfait pas à une interprétation extensive de principes généraux, c’est tout l’équilibre institutionnel qui vacille.
La justice constitutionnelle gagne à être protectrice ; elle cesse de l’être lorsqu’elle devient un filtre partisan comme l’exercent actuellement les « sages » non-élus du Conseil constitutionnel. Face à cette situation, il devient plus qu’urgent de réformer en profondeur cette juridiction, mais aussi ses missions afin que le droit et au-delà la Justice, ne deviennent pas les instruments d’une idéologie mais restent des outils au service de l’intérêt général tel que voulu par les Français et défini par la représentation nationale, tant il est vrai que « la loi est l’expression de la volonté générale5 ».