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      CNews : le Conseil d’État transforme le désaccord idéologique en faute juridique

      Le 21 juillet 2025, le Conseil d’État a validé -une nouvelle fois- une sanction financière prononcée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à l’encontre de la chaîne CNews. Le motif retenu cette fois-ci était le fait qu’un graphique présentant la surreprésentation des étrangers dans la délinquance n’aurait pas respecté les règles de « rigueur dans la présentation de l’information ». En arrière-plan, c’est bien la question de la liberté d’expression et plus largement, du traitement judiciaire de certaines opinions qui est posée.

      Une sanction sur la forme pour museler le fond

      Le Conseil d’État, dans sa décision du 21 juillet 20251, a confirmé la légalité d’une l’amende de 50 000 € infligée par l’Arcom à CNews. L’objet du litige : un tableau diffusé à l’antenne représentant le classement des « pays les plus sûrs », sans expliciter de manière suffisamment visible les biais méthodologiques possibles. 

      Dès lors, la critique adressée à la chaîne n’est pas de véhiculer une contre-vérité ou d’avoir diffusé une fausse nouvelle, mais simplement de ne pas avoir souligné avec assez d’insistance que ces chiffres pourraient être mal interprétés. Il ne s’agit donc plus d’un débat sur la véracité des faits, mais sur l’encadrement idéologique de leur exposition. Cette distinction est fondamentale : punir un média pour avoir diffusé une information exacte mais non conformée à une prudence rhétorique imposée revient à faire primer le confort idéologique sur la liberté d’expression.

      Le poids des institutions dans le contrôle du discours médiatique

      La sévérité de la décision ne peut être comprise sans la replacer dans un contexte plus large d’acharnement réglementaire contre CNews. Ce n’est pas la première fois que la chaîne fait l’objet de sanctions fondées sur des motifs similaires :

      En novembre 2024, l’Arcom avait déjà prononcé deux amendes à son encontre : l’une de 100 000 € pour avoir affirmé que l’IVG représentait la première cause de mortalité dans le monde, sans contradicteur sur le plateau ; l’autre de 50 000 €, pour des propos jugés inexacts sur la pression exercée par des élèves musulmans dans un collège2.

      Quelques mois plus tôt, en février, le Conseil d’État avait sommé l’Arcom de revoir sa méthode d’évaluation du pluralisme sur les chaînes d’information, en incluant désormais l’ensemble des intervenants (journalistes, experts, éditorialistes) et non plus seulement les politiques3. Cette redéfinition a mécaniquement exposé des chaînes comme CNews à un contrôle renforcé et à un risque accru de sanctions.

      L’impression d’un ciblage assumé devient alors difficile à écarter. Et cela d’autant plus que d’autres propos approximatifs ou idéologiquement orientés, lorsqu’ils sont diffusés sur des chaînes du service public, ne donnent lieu à aucune poursuite. Quand des reportages à charge sur l’agriculture conventionnelle ou des tribunes militantes sur les questions de genre sont diffusés sans contradiction sur France Télévisions ou Radio France, aucun rappel à l’ordre ni aucune amende de l’Arcom ne viennent sanctionner ces partis pris souvent bien plus discutables scientifiquement que les propos reprochés à CNews.

      La dérive vers une censure réglementaire

      L’affaire CNews révèle ainsi une dérive inquiétante : la régulation médiatique cesse d’être un garant d’objectivité pour devenir un outil de sélection idéologique. On ne sanctionne plus l’erreur mais l’absence d’alignement. L’Arcom, qui est censée être l’autorité de garantie de la liberté de communication, devient progressivement une police de la pensée. Quant au Conseil d’État, loin de faire contrepoids, il légitime cette évolution au nom d’une conception extensive du « devoir d’honnêteté ». Or, l’honnêteté ne peut être réduite à une conformité à une grille de lecture politique. Elle suppose, au contraire de laisser exister des analyses divergentes tant que celles-ci s’appuient sur des faits. Le droit ne peut servir de prétexte à museler des discours simplement parce qu’ils choquent une sensibilité dominante.

      Il est d’autant plus paradoxal de voir cette rigueur s’appliquer sélectivement. Aucune décision équivalente n’a encore été rendue à l’encontre d’émissions qui, sur d’autres sujets -santé, agriculture, énergie- relayent des positions fortement contestées voire invalidées par les faits. Lorsque les agriculteurs sont régulièrement attaqués sur des bases statistiques discutables (on l’a vu particulièrement au cours de l’été avec l’adoption puis la censure de la loi Duplomb), l’Arcom ne s’en émeut pas. Lorsque le service public médiatise sans distance critique certaines projections catastrophistes, l’autorité régulatrice se tait.

      La décision du Conseil d’État valide, en apparence, une exigence de rigueur. Mais en réalité, elle entérine une nouvelle frontière : celle où la liberté d’expression devient conditionnelle. Conditionnelle à l’acceptabilité sociale du message, à sa conformité avec une grille dominante, à sa capacité à ne pas heurter une sensibilité institutionnelle. Cette affaire est emblématique des dérives contemporaines de notre appareil juridictionnel. Elle illustre comment une autorité juridictionnelle suprême peut, sous couvert de légalité, légitimer un biais idéologique.

      Dans un État de droit, la justice doit protéger les libertés fondamentales, non participer à leur encadrement politique. En ce sens, il est urgent de réaffirmer que la neutralité du juge ne consiste pas à sélectionner les opinions acceptables mais bien à garantir que toutes puissent s’exprimer, dans le respect de la loi. Car une vérité étouffée par des formes, même légales, reste une vérité censurée.

      1. https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2025-07-21/492834 ↩︎
      2. https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/11/14/l-arcom-prononce-deux-nouvelles-sanctions-pecuniaires-contre-cnews_6394257_3234.html ↩︎
      3. https://www.conseil-etat.fr/actualites/pluralisme-et-independance-de-l-information-l-arcom-devra-se-prononcer-a-nouveau-sur-le-respect-par-cnews-de-ses-obligations ↩︎
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      Martin Lacombe

      Martin Lacombe est diplômé d’un master de droit public et accompagne depuis plus de 10 ans des élus en exercice au sein de différentes institutions. L’environnement professionnel dans lequel il évolue exige de lui un suivi permanent des liens entre justice, politiques publiques et impératifs démocratiques. Ses connaissances du monde politique et de ses arcanes lui permettent d’apporter un regard approfondi et objectif sur les grands enjeux juridiques actuels.

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