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      Deux hauts magistrats dans le viseur du PNF 

      Deux premiers présidents de Cour d’appel, Bruno Karl et Alain Chateauneuf, sont soupçonnés de corruption et trafic d’influences via un intermédiaire local1. Les deux intéressés contestent.

      Selon Mediapart2 et des reprises AFP3, l’enquête est née d’un vaste dossier de délinquance financière autour de l’homme d’affaires réunionnais David Vital, figure locale connue des joueurs de poker4. L’exploitation de son téléphone aurait révélé des échanges, photos et messages avec deux hauts magistrats ayant exercé dans l’île5. Les soupçons portent sur d’éventuelles informations transmises et de possibles avantages en nature. L’affaire a été dépaysée en application de l’article 43 du code de procédure pénale, puis confiée au Parquet national financier (PNF), compétent en matière d’atteintes à la probité. Aucun des deux magistrats n’a été mis en examen à ce stade. 

      Profils et trajectoires 

      Bruno Karl a présidé le tribunal judiciaire de Saint-Denis (2017-2022) avant de rejoindre l’Inspection générale de la justice, puis d’être promu premier président de la Cour d’appel de Nouméa en 2025. Alain Chateauneuf a présidé le tribunal de Saint-Denis (2009-2014), puis la Cour d’appel de La Réunion (2018-2025) avant sa nomination à Dijon6. Point sensible : ces promotions sont intervenues alors que des vérifications étaient en cours, ce qui laisse interrogateur sur l’efficacité des cribles déontologiques internes. 

      Précédents et cadre juridique 

      L’appareil judiciaire français a déjà sanctionné des dérives au sommet : en 2021, condamnation pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « Bismuth », confirmée en appel en 2023, puis par la Cour de cassation en décembre 2024, touchant l’ex-haut magistrat Gilbert Azibert7. En 2024, une magistrate, en Corse a été mise en examen et incarcérée pour des liens présumés avec le banditisme avant d’être remise en liberté sous contrôle judiciaire8.

      Ce que révèle l’affaire 

      Trois angles critiques émergent. 

      L’insuffisance du contrôle déontologique : les magistrats effectuent une déclaration d’intérêts. Pour autant cette déclaration, qui n’est exigée que depuis 2016, ne donne lieu qu’à un simple entretien déontologique avec le supérieur hiérarchique auquel la déclaration est remise ; en cas de doute, celui-ci peut simplement saisir le Collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire… En tout état de cause, ces déclarations ne sont pas publiques et le rapport d’activité dudit Collège ne contient aucune information nominative… L’enquête visant ces deux magistrats illustre l’insuffisance de ces déclarations d’intérêts et de la traçabilité des relations sensibles dans des écosystèmes insulaires.

      La temporalité de la réaction : on ne peut qu’être frappé de la lenteur de la procédure, du délai entre l’apparition des premiers signaux faibles, le début de l’enquête, le dépaysement de la procédure, puis la saisine spécialisée. Ce temps ne peut manquer d’avoir pour effet de laisser prospérer le soupçon et d’entamer la confiance publique. Par ailleurs, durant cette même période, les magistrats en cause ont fait l’objet de promotions prestigieuses. 

      La tension entre la procédure disciplinaire et le temps disciplinaire : le pénal avance, suivant son temps, mais parallèlement, les mesures conservatoires administratives restent discrétionnairement mises en œuvre et sont finalement assez peu lisibles. 

      Transparence absolue : l’antidote au laxisme

      Des mesures sobres et opérationnelles s’imposent ici : 

      – déclenchement automatique d’inspections et de mesures conservatoires en cas de soupçon de probité touchant un chef de juridiction

      – audit systématique des avantages reçus par les présidents de juridiction

      – encadrement des contacts extra-professionnels à risque

      – publication d’un rapport annuel déontologique consolidé par Cour d’appel.

      Si la procédure suit son cours – et l’on sait combien la Justice sait parfois prendre son temps – il convient que la réponse institutionnelle soit bien plus rapide et transparente pour restaurer la crédibilité du corps judiciaire. 

      1. https://freedom.fr/deux-magistrats-soupconnes-de-corruption-dapres-mediapart/ ↩︎
      2. https://www.mediapart.fr/journal/france/050925/deux-hauts-magistrats-sont-vises-par-une-enquete-pour-corruption-et-trafic-d-influence ↩︎
      3. https://la1ere.franceinfo.fr/nouvellecaledonie/corruption-a-la-reunion-l-enquete-visant-le-nouveau-president-de-la-cour-d appel-de-noumea-entre-les-mains-du-parquet-financier-1620209.html ↩︎
      4. https://www.zinfos974.com/affaires-air-austral-caille-et-etheve-david-vital-au-coeur-dune-enquete- a-tiroirs/ ↩︎
      5. https://www.zinfos974.com/exclusif-lenquete-visant-david-vital-et-deux-magistrats-confiee-au-parquet-national-financier/ ↩︎
      6. https://www.leparisien.fr/la-reunion-974/la-reunion-une-enquete-sur-des-soupcons-de-corruption-visant-deux-hauts-magistrats-entre-les-mains-du-parquet-financier-05-09-2025-KTPWH5WCNFABJHYUA2AFK264OE.php ↩︎
      7. https://www.leclubdesjuristes.com/justice/affaire-des-ecoutes-la-cour-de-cassation-tranche-sur-le-pourvoi-de-nicolas-sarko zy-8483 ↩︎
      8. https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/04/17/mise-en-cause-pour-ses-liens-supposes-avec-le-banditisme-corse-la-m agistrate-helene-gerhards-remise-en-liberte_6228331_3224.html#:~:text=Mise%20en%20examen%20et%20%C3%A9crou% C3%A9e,%2DProvence%2C%20mercredi%2017%20avril ↩︎
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      Olivier Jehannin de Chamblanc

      Olivier Jehannin de Chamblanc a suivi un cursus universitaire à l’Université de Bourgogne, complété par une préparation à l’examen de l’ENS Droit au lycée Gustave Eiffel. Après une année d’études en droit européen et histoire du droit à l’Université Comenius de Bratislava, il retourne à Dijon pour un Master 1 généraliste. En cinquième année de son cursus, il s’installe à Paris, où il obtient un diplôme en histoire du droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas.

      Articles: 15