Le 7 août 20251, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition législative visant à prolonger la rétention administrative des étrangers condamnés pour des infractions graves, comme le meurtre, le viol ou le trafic de drogue, jusqu’à 210 jours. Cette décision, qui limite la capacité des autorités à maintenir en rétention des individus jugés dangereux, soulève des questions sur l’équilibre entre la protection des libertés individuelles et la sauvegarde de l’ordre public. Dans un contexte où la question migratoire est un sujet fondamental pour les Français, cette censure ravive le débat sur le pouvoir d’un organe non-élu qui, par touches successives, redéfinit la politique sécuritaire du pays.
Une censure qui fragilise la lutte contre l’insécurité
Le 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a invalidé des dispositions de la loi visant à faciliter le maintien en rétention des étrangers condamnés pour des crimes graves ou présentant un risque élevé de récidive. Ces mesures, portées par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau (LR), visaient à prolonger la durée de rétention jusqu’à 210 jours dans des cas exceptionnels pour des individus dangereux pour l’ordre public car ayant commis des actes tels que le meurtre, le viol ou le trafic de drogue. Le Conseil a jugé cette extension « disproportionnée » par rapport à l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière, invoquant l’article 66 de la Constitution qui protège la liberté individuelle.
Cette décision suscite légitimement une vive controverse. En limitant la durée de rétention, le Conseil restreint la capacité de l’État à garantir l’éloignement effectif d’individus jugés dangereux, au moment même où il semble acter le lien entre délinquance et immigration 2! Cette approche privilégie une interprétation extensive des droits individuels au détriment de la sécurité collective, un choix qui questionne la légitimité du Conseil constitutionnel à corriger les priorités fixées par le législateur.
Il n’en est pas à son coup d’essai.
Un précédent préoccupant : la censure de la rétention des demandeurs d’asile
Un autre exemple récent illustre cette tendance du Conseil constitutionnel à limiter les outils de gestion migratoire. Le 23 mai 2025, dans sa décision n° 2025-1140 QPC, le Conseil a censuré des dispositions de la loi du 26 janvier 2024 permettant le placement en rétention de demandeurs d’asile pour des motifs tels qu’une menace à l’ordre public ou un risque de fuite, sans lien avec une procédure d’éloignement3. Cette décision, fut rendue à la suite de la saisine du Conseil d’une question prioritaire de constitutionnalité déposée par des associations pro-migrants.
En invalidant ces mesures, le Conseil a considéré que la simple menace à l’ordre public ou le risque de fuite ne justifiaient pas une privation de liberté sans encadrement suffisant. Pourtant, cette décision ignore la réalité pratique que tous les acteurs de terrain connaissent : les demandeurs d’asile, lorsqu’ils ne respectent pas les obligations administratives, peuvent facilement échapper aux mesures d’éloignement. Cette censure intervenue en mai dernier, tout comme celle du 7 août 2025, illustre la dérive du Conseil et montre bien qu’à ses yeux, la sécurité publique doit céder devant une lecture maximaliste des droits individuels.
Une institution au cœur des critiques
Le Conseil constitutionnel, institué par la Constitution de 1958, est composé de neuf membres nommés pour neuf ans par les plus hautes autorités de l’État. Actuellement présidé par Richard Ferrand, ancien président de l’Assemblée nationale et figure politique marquée au centre-gauche, le Conseil compte parmi ses membres des personnalités comme Jacqueline Gourault ou Alain Juppé, dont les parcours politiques alimentent les doutes quant à la neutralité de l’institution. Ces nominations, toujours politisées, alimentent le sentiment que le Conseil outrepasse son rôle de gardien de la Constitution pour s’ériger en censeur et décideur politique.
Cette perception est renforcée par des décisions contredisant les attentes d’une large partie de la population, notamment sur des sujets aussi sensibles que l’immigration. En 2024, par exemple, le Conseil avait déjà censuré plusieurs dispositions de la loi pour contrôler l’immigration comme celles visant à limiter l’accès à certaines prestations sociales pour les étrangers au motif qu’elles méconnaissaient le principe d’égalité4.
Vers une nécessaire réforme du Conseil Constitutionnel
Ces décisions successives mettent en lumière une tension fondamentale : le Conseil constitutionnel, en s’appuyant sur des principes constitutionnels on ne peut plus flous comme la « liberté individuelle » ou l’ « égalité », redéfinit à son gré des politiques publiques qui relèvent de la souveraineté du législateur et par conséquent des citoyens. Cette dynamique paralyse la capacité de l’État à répondre aux préoccupations sécuritaires des Français, dans un contexte où l’insécurité et la gestion de l’immigration constituent l’une de leurs principales préoccupations. La censure de mesures de bon sens visant à retenir des individus condamnés pour des crimes graves ou à mieux contrôler les demandeurs d’asile illustre ce décalage entre les priorités judiciaires et les attentes sociétales.
Pour restaurer la confiance dans la justice, il est impératif de repenser le rôle du Conseil constitutionnel. Une réforme pourrait consister à clarifier ses compétences pour éviter qu’il ne substitue son jugement à celui du législateur sur des questions de politique sécuritaire ou migratoire notamment. Par ailleurs, une réflexion sur la composition du Conseil, visant à garantir une indépendance renforcée, apparaît urgente. Enfin, un encadrement plus strict des recours constitutionnels, notamment des questions prioritaires de constitutionnalité, pourrait limiter les interventions qui sous couvert de respect du droit ne visent en réalité qu’à entraver la volonté populaire.
Une réforme profonde s’impose donc pour rétablir un équilibre entre la protection des droits et les impératifs de l’ordre public, afin que la justice rende ses décisions au nom du peuple français et non en opposition à ses aspirations. En somme, appliquer ce que la hiérarchie des normes voulue par la Constitution exige : le Parlement décide, le juge protège et la Nation demeure souveraine.