À Saint-Gilles, dans le Gard, un homme de nationalité marocaine âgé de 51 ans a été condamné à un simple sursis probatoire pour avoir déclenché un incendie de forêt en pleine alerte rouge canicule1. Récidiviste, il a déjà été condamné pour incendie volontaire, violences, apologie du terrorisme islamiste et exhibition sexuelle. Face à ces faits d’une gravité extrême, le parquet avait pourtant requis un an de prison ferme avec maintien en détention ainsi qu’une interdiction du territoire français pour dix ans. La justice en a décidé autrement. Cette affaire sidérante concentre les symptômes d’un système pénal désorienté, démobilisé et déconnecté de sa fonction première : protéger la société des individus dangereux.
Le 8 juillet 2025, dans le Gard, un incendie de forêt est repéré en bordure d’un chemin. Les pompiers interviennent rapidement. À quelques mètres du foyer, un homme est interpellé. Le constat des forces de l’ordre est sans appel : il s’agit d’un départ de feu volontaire et le suspect est le seul individu présent à proximité immédiate du brasier.
L’individu n’est pas un inconnu des services judiciaires. Entre 2018 et 2020, il a été condamné à trois reprises pour des faits graves : incendie volontaire, exhibition sexuelle, violences, mais également apologie du terrorisme islamiste. Des infractions qui, à elles seules, dessinent le profil d’un homme à la dangerosité avérée, en rupture manifeste avec l’ordre public et la société française.
Le parquet, prenant la mesure du risque et du contexte (période de canicule, département en alerte rouge…), demande une réponse judiciaire ferme et cohérente. Le procureur de la République requiert ainsi un an d’emprisonnement ferme avec maintien en détention, ainsi qu’une interdiction du territoire français pendant dix ans. Il déclare : « je pense qu’il est bon qu’il soit incarcéré en cette période d’alerte rouge et de canicule2 ».
Mais contre toute attente, le tribunal correctionnel s’écarte intégralement de ces réquisitions. Il choisit de ne prononcer aucune incarcération et d’accorder un simple sursis probatoire3. L’homme ne fera donc pas un seul jour de prison. À cela s’ajoutent deux obligations qui renforcent le sentiment d’incongruité : une obligation de soin avec suivi psychiatrique et une obligation de trouver un travail. Comme si un tel parcours, jalonné d’actes répréhensibles, pouvait être traité à coups de bilans médicaux et d’une injonction à l’insertion professionnelle.
Une justice qui abdique : entre impuissance choisie et neutralité dévoyée
Ce verdict ne relève pas d’un simple écart d’interprétation juridique. Il marque un point de bascule où le droit pénal n’est plus appliqué comme un outil de protection mais comme une stratégie d’évitement systématique de l’incarcération, même dans les cas les plus manifestes de menace pour la société.
Le sursis probatoire, dans ce contexte, n’a plus rien d’un outil de réinsertion : c’est un signal d’impuissance judiciaire face à des individus multirécidivistes. L’homme a déjà été sanctionné à plusieurs reprises sans que cela n’ait eu d’effet dissuasif. Dans un tel cas de figure, le choix de réitérer une sanction non privative de liberté revient en réalité à neutraliser l’action pénale dans sa fonction la plus élémentaire : mettre fin à un danger immédiat.
Mais ce qui achève de faire vaciller la légitimité de la décision, c’est le rejet intégral des réquisitions du procureur. La justice, censée être le fruit d’un débat contradictoire équilibré entre accusation et défense, évacue ici la position du ministère public sans même en retenir la substance. Ni la peine de prison requise, ni l’expulsion demandée n’ont été suivies par le juge. Ce choix interroge sur la capacité du parquet à obtenir, dans les faits, l’exécution des politiques pénales fixées par la loi.
Restaurer la chaîne pénale ou accepter la faillite de l’État de droit
Un État de droit ne peut survivre sans une justice lisible, prévisible et protectrice. Ce que montre cette affaire, c’est que la lisibilité des décisions s’est dissoute dans une logique idéologique, qui préfère éviter le choc d’une peine ferme plutôt que d’assumer l’autorité légitime de la norme. La justice, au nom d’un certain relativisme pénal, cesse d’être protectrice pour devenir incertaine, flottante, imprévisible.
Et dans cette incertitude, ce ne sont jamais les récidivistes qui s’inquiètent. Ce sont les citoyens, les forces de l’ordre, les élus locaux, les victimes potentielles. La sécurité devient un bien résiduel, dépendant du bon vouloir d’une institution judiciaire qui semble avoir abdiqué sa mission de dissuasion.
Refuser d’expulser un étranger multirécidiviste, déjà condamné pour apologie du terrorisme et incendie volontaire, c’est non seulement ignorer la gravité des faits, mais nier les outils institués par le droit pour protéger la société. La loi existe. Elle est claire. Que ce soit pour des raisons idéologiques ou pour éviter l’embolie pénitentiaire, ce sont bien des juges qui, de plus en plus, choisissent de ne pas appliquer de sanctions à la hauteur de la gravité des faits.
Les réformes que nous attendons maintenant ne consistent pas qu’en de simples ajustements procéduraux. Elles impliquent une redéfinition complète de la hiérarchie des valeurs dans la chaîne pénale : la réinsertion ne peut primer en toutes circonstances, la prison ne peut être taboue, l’expulsion ne peut être systématiquement écartée par confort. Il en va, très concrètement, de la survie d’un ordre juridique fondé sur la responsabilité, la sanction et la sécurité des citoyens.
- https://www.midilibre.fr/2025/07/12/jessayais-de-leteindre-un-quinquagenaire-condamne-pour-avoir-allume-un-feu-debut-juillet-a-saint-gilles-vers-le-quartier-sabatot-12821979.php ↩︎
- https://www.objectifgard.com/faits-divers/justice-un-homme-juge-pour-avoir-declenche-un-incendie-de-foret-a-saint-gilles-150314.php ↩︎
- https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/un-homme-condamne-a-un-an-de-prison-avec-sursis-pour-avoir-provoque-un-incendie-a-saint-gilles-8313394 ↩︎