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Un homme de 34 ans, algérien en situation irrégulière, sous OQTF et déjà condamné 16 fois, a été interpellé après l’agression d’une mineure de 17 ans dans un tram entre Lormont et Cenon. Les faits, pourtant qualifiables de viol (en raison d’une pénétration digitale), ont été requalifiés en agression sexuelle, afin de permettre une comparution immédiate. Peine : 3 ans ferme et interdiction du territoire.
Le parquet de Bordeaux a choisi la voie rapide : comparution immédiate, jugement en correctionnelle pour agression sexuelle et exécution immédiate de la peine. Si la procédure semble efficace à court terme, elle reste néanmoins hautement discutable juridiquement quand un crime est « descendu » au rang de délit, surtout quand les éléments matériels caractérisent la pénétration et donc le viol au sens de l’article 222-23 du code pénal.
Une procédure express plutôt qu’une audience criminelle
La requalification a permis la correctionnalisation et l’audience en comparution immédiate, procédure prévue à l’article 395 du code de procédure pénale pour les délits flagrants et simples. Le bénéfice est immédiat : rapidité de la procédure, incarcération immédiate et signal envoyé. Le coût est immédiat aussi : l’échelle de peines est bien plus basse que celle encourue devant une juridiction criminelle.
Plusieurs analyses académiques décrivent cette pratique de « correctionnalisation » des crimes (dont les viols) comme une stratégie de désengorgement qui minore la gravité et brouille la vérité judiciaire, notamment lorsque la pénétration est évacuée du raisonnement pour rester dans le délit.
Sur le fond, la qualification criminelle s’imposait dès lors que la pénétration digitale est présente puisque l’article 222-23 assimile clairement toute pénétration sexuelle, quelle qu’en soit la nature, à un viol. La bascule en délit ne tient juridiquement que si l’élément de pénétration est écarté. Or l’objectif affiché ici est d’aller vite, non de trancher un doute probatoire.
Pourquoi la voie criminelle est faisable… mais plus lente ?
Depuis 2023, la Cour criminelle départementale (CCD) permet de juger certains crimes sans jury populaire, avec des délais plus serrés qu’aux assises. Elle vise précisément à éviter la correctionnalisation « par défaut logistique ». Rien n’empêchait, en théorie, un renvoi rapide devant la CCD, si la pénétration était caractérisée.
Au pénal, l’efficacité ne doit pas substituer la peine disponible à la peine due. Les contentieux européens l’ont rappelé : la requalification ne peut reposer sur un artifice masquant la matérialité des faits. La pratique française, critiquée de longue date, expose à une défiance des victimes et à un sentiment d’impunité relative. La France a d’ailleurs été rappelée à l’ordre sur son traitement des crimes sexuels dans un rapport publié par le Conseil de l’Europe le 16 septembre. En pleine affaire des viols de Mazan, il semblerait bien que la rigidité en matière de réponse pénale pour ces crimes soit à géométrie variable et très tributaire de l’engouement médiatique. Le cas d’une française mineure violée par un algérien sous OQTF ne semble pas ici retenir l’attention médiatico-judiciaire.
Contexte local dégradé et politique pénale laxiste
Le cas bordelais survient dans le réseau de transport « TBM » de l’agglomération où les signalements d’agressions sexistes et sexuelles ont explosé en 2024 représentant la moitié des incidents recensés. Le phénomène a provoqué la mise en place du dispositif « Angela » pour alerter immédiatement dans les rames et stations. Le besoin de fermeté et de lisibilité pénale est donc évident pour les usagers et reconnu par le gestionnaire des transports.
Ici, le condamné, ressortissant algérien sous OQTF, s’est vu condamné à une peine de trois ans ferme de prison et cinq ans d’interdiction du territoire. Réponse utile à court terme, mais inférieure à l’échelle criminelle qui prévoit une sanction pouvant aller jusqu’à quinze ans dans de telles circonstances.
L’appareil judiciaire a frappé vite. Pas sûr qu’il ait frappé haut. Quand les faits relèvent du viol, la voie criminelle doit demeurer la norme, la comparution immédiate l’exception. À défaut, la « réactivité » masque une baisse structurelle d’exigence pénale et nourrit la défiance des victimes comme du public.