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Jean Richard de La Tour, avocat général auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, vient de rendre ses conclusions dans une affaire en instance devant la CJUE. Si ces conclusions sont, à ce jour, passées relativement inaperçues du grand public, elles seraient lourdes de conséquences si elles devaient être suivies par la Cour. Cet avocat général, français de nationalité, franchit une ligne rouge, considérant que le droit de l’UE oblige -à son sens- un État membre à reconnaître l’identité de genre revendiquée d’un ressortissant, même en l’absence de base légale nationale. Si l’avocat général Jean Richard de La Tour est coutumier de conclusions hostiles à toute lecture étatique du droit de l’UE, il va ici encore plus loin, cherchant à imposer une lecture idéologique du droit entièrement fondée sur le ressenti subjectif. Ces conclusions s’inscrivent dans une tendance préoccupante : celle cherchant à ériger la CJUE en vecteur de la pensée woke, au mépris des réalités biologiques, de la souveraineté des États et de la sécurité juridique.
L’affaire Shipov, sur laquelle les conclusions de l’avocat général Richard de La Tour ont été rendues publiques le jeudi 4 septembre (CJUE, 4 sept. 2025, C-593/221), porte sur un litige administratif concernant un ressortissant bulgare né homme -et donc de sexe masculin, M. Shipov. Ayant effectué un changement de prénom et se considérant comme femme, sans avoir pour autant effectué de changement de sexe, M. Shipov demandait à l’administration bulgare de reconnaître son nouveau genre dans ses documents d’identité. Celle-ci refuse ce changement en arguant que la législation bulgare ne prévoyait pas une telle possibilité sans que le changement de sexe ne soit effectivement réalisé.
Or, pour l’avocat général de la CJUE, l’État bulgare ne peut refuser cette reconnaissance même si son droit interne ne le permet pas. Car un tel refus, considère-t-il, porterait atteinte au droit au respect de la vie privée tel qu’interprété à la lumière de l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lu conjointement avec la liberté de circulation et de séjour (article 21 TFUE).
Autrement dit, selon l’avocat général, un État serait tenu de reconnaître une réalité juridique étrangère à son propre ordre juridique, pour une question aussi fondamentale que l’état civil, et cela au nom d’un « ressenti » individuel. La reconnaissance juridique de l’identité de genre devient ainsi un droit opposable, non pas en vertu du droit national, mais au nom d’une interprétation extensive et militante du droit européen.
Ce que l’avocat général souhaite ainsi faire entériner par la CJUE, c’est bien une rupture profonde avec le principe de souveraineté juridique en matière de droit de la famille -alors même qu’il s’agit d’un domaine de compétence nationale. Le droit de l’Union n’était censé s’appliquer que dans les domaines de compétence explicitement transférés par les traités. Or ici, comme dans d’autres décisions récentes, cela accentuerait encore le pouvoir d’interprétation quasi législatif de la CJUE. Elle prendrait fait et cause pour une vision du monde fondée non plus sur les faits objectifs (tels que le sexe biologique ou l’état civil national) mais sur les sentiments personnels, qualifiés dans le cas présent de « ressenti d’identité de genre ». Relevons d’ailleurs que l’avocat général s’était déjà prononcé en faveur de cette approche à l’occasion d’une affaire visant à imposer à la Pologne d’enregistrer les mariages homosexuels entre citoyens des États membres de l’Union2.
Le parallèle avec un autre arrêt retentissant est frappant : dans l’affaire Deldits (CJUE, 23 avr. 2024, C-247/233), la Hongrie avait refusé de modifier l’état civil d’un réfugié « non-binaire » n’ayant pas subi de traitement médical. La CJUE avait alors considéré que ce refus violait le RGPD et la Charte des droits fondamentaux car il ne tenait pas compte de « l’identité de genre vécue ». Déjà, la réalité matérielle, médicale et juridique fut écartée au profit d’une pure subjectivité aux contours plus idéologiques qu’autre chose.
Ce glissement ouvre la voie à une insécurité juridique majeure : si le droit n’est plus qu’un miroir du ressenti individuel, il cesse d’être un cadre normatif universel pour devenir un outil de validation psychologique. Faut-il désormais modifier un acte de naissance parce qu’un individu se perçoit autrement, sans aucun ancrage factuel ? Le droit n’est pas une thérapeutique et n’a pas vocation à reconnaître toutes les identités auto-déclarées.
Cette tendance n’est pas isolée. En janvier dernier, la CJUE rendait un autre arrêt symptomatique, cette fois dans un conflit opposant la SNCF à l’association pro-LGBT Mousse (CJUE, 9 janv. 2025, C-394/234). En cause : la formule de politesse « Madame, Monsieur » utilisée jusqu’alors par la SNCF et considérée comme discriminatoire à l’égard des personnes non-binaires. La CJUE avait estimé qu’un simple formulaire de civilité excédait le strict nécessaire à un contrat de transport (sur la base d’une interprétation extensive du RGPD – Règlement général sur la protection des données -et particulièrement de son art. 21§1), obligeant la France à s’aligner sur cette position6.
Nous ne sommes plus ici dans le droit mais dans la normalisation idéologique, poussée par une juridiction censée garantir l’unité juridique du marché intérieur. Derrière le formalisme des considérants, la Cour agit comme un bras judiciaire du militantisme postmoderne.
Loin de garantir une harmonisation raisonnable du droit au sein de l’Union, la CJUE tend à être utilisée au profit d’un agenda politique particulier, sans légitimité démocratique. En cumulant compétence juridictionnelle et orientation idéologique, elle dévoie le rôle de juge au profit d’un activisme judiciaire préoccupant.
Dans le contexte français, cette dérive ne peut que renforcer la méfiance croissante des citoyens à l’égard des institutions européennes. Car si le droit cesse de traduire une volonté collective objectivée pour devenir un simple instrument d’accompagnement des luttes identitaires, il perd alors toute fonction normative. Il est donc urgent de repenser les limites des compétences de la CJUE, de redéfinir clairement les domaines de souveraineté exclusive des États et de restaurer un droit européen ancré à la fois dans le réel et le strict respect des textes juridiques afin d’écarter tout biais militant ou émotionnel.