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Lyon, octobre 2025 : un incendie ravage la terrasse d’un restaurant. Arrêté, l’auteur présumé est un homme déjà détenteur de 160 antécédents judiciaires selon Le Progrès1. Il est interpellé en possession d’un couteau et d’un cutter alors même qu’une fiche de recherche lui interdit tout port d’arme. À Paris, quelques jours plus tard, un multirécidiviste est condamné pour la 38ᵉ fois après avoir volé le portefeuille d’une députée écologiste et reçoit une peine d’un an de prison prononcée par le tribunal2. Ces deux faits-divers illustrent avec une force crue le malaise profond d’un système juridique qui semble avoir renoncé à arrêter la spirale de la récidive et à remplir sa mission première : protéger la société.
Le cas lyonnais est, à lui seul, un symbole de l’absurde. 160 antécédents judiciaires : ce n’est pas un dossier ordinaire, c’est une trajectoire pénale documentée, reconduite, un profil signalé à chaque étape de sa vie judiciaire. Il ne s’agit plus de débats sur l’individualisation de la peine : on est dans le régime de l’exception permanente. Le couperet juridique n’est plus appliqué.
Ce qui rend la situation encore plus frappante, c’est qu’il était en possession d’armes (couteau de cuisine et cutter) malgré une interdiction formelle de port d’armes. La réalité dépasse la fiction : un homme tant de fois sanctionné, fiché, contrôlé… Et qui foule les interdits sans que cela n’ait déclenché de réponse judiciaire ferme et définitive. Qui, dans les rouages du ministère public ou de la magistrature, a cru à la force dissuasive de la fiche de recherche ? Ou pire : quel juge a pu en conscience accepter qu’un tel danger reste en circulation ?
Lorsque la récidive est devenue une routine, la peine de prison s’apparente à un point de passage, une pause dans l’activité criminelle, non une césure durable. La justice paraît décréter que certains profils ne peuvent plus être « arrêtés » : on les accompagne, on les suit… Mais on ne les arrête jamais durablement de nuire. Franchement, quel citoyen ordinaire obtient 160 chances après 160 méfaits ?
L’affaire parisienne rapportée par Le Parisien éclaire cette dérive sous un autre angle. Un homme, déjà condamné à 37 reprises, commet un nouveau vol -cette fois le portefeuille d’une députée- et se voit infliger sa 38ᵉ condamnation pour un an de prison ferme. Certes, la peine est prononcée, mais le constat est glaçant : la justice continue de dérouler un tribunal par récidive, sans rompre le cycle.
À ce stade, la condamnation ne marque plus une sanction forte, mais un écho rituel dans la machine judiciaire. Il importe moins de dissuader que de « traiter » le dossier, de marquer que l’infraction est reconnue mais sans que la sentence ne décroche la trajectoire criminelle. Le nombre 38 n’est pas seulement symbolique, il devient ordinaire et constitue aujourd’hui une simple statistique parmi d’autres.
Cette affaire renforce dramatiquement le contraste avec l’affaire lyonnaise : 160 antécédents contre « seulement » 38, mais dans les deux cas, la justice ne parvient pas à imposer une rupture significative. Le message implicite est le même : la récidive est tolérable tant qu’elle ne franchit pas la ligne irrémédiable.
L’argument selon lequel la justice serait démunie face à ces profils multirécidivistes ne résiste pas à l’analyse. En réalité, l’arsenal juridique français permettrait amplement de contenir ces dérives si ses dispositifs étaient appliqués avec rigueur et constance. Les mécanismes de récidive légale, de révocation des sursis, les possibilités d’aménagement strictement encadré ou encore les peines minimales prévues dans certains cas sont bel et bien inscrits dans le Code pénal. À cela s’ajoutent des mesures de suivi renforcé (injonction de soins, bracelet électronique, interdictions de paraître…) qui ne relèvent en rien de la science-fiction judiciaire. Pour le voleur de la députée, on relèvera qu’il était en détention au moment de son vol, purgeant déjà une peine, sous un régime de semi-liberté…
Mais la sévérité prévue par la loi et le droit, en l’état, restent trop souvent théoriques. Par choix ou par inertie, on n’y recourt peu même dans les cas pourtant les plus flagrants. L’idéologie d’une réinsertion systématique, la méfiance à l’égard des peines fermes et l’invocation routinière de la saturation carcérale viennent neutraliser les effets de lois qui, dans l’intention du législateur, visaient à rompre la spirale de la récidive. Le problème n’est donc pas une carence normative : c’est l’abandon progressif du principe de fermeté dans l’application du droit positif.
Ce que ces affaires illustrent avant tout, c’est la nécessité de recentrer la réponse pénale sur la fonction protectrice de la justice en rompant avec une vision purement gestionnaire ou humanitaire du droit criminel. Le traitement judiciaire des récidivistes ne peut plus reposer sur une logique de tolérance indéfinie comme si l’infraction répétée relevait d’une fatalité à accompagner plutôt que d’un danger à neutraliser.
Il ne s’agit pas de plaider pour une inflation carcérale automatique mais de restaurer une doctrine judiciaire fondée sur la cohérence et la responsabilité : cohérence entre les infractions commises et les réponses apportées, responsabilité des magistrats lorsqu’ils laissent en liberté des individus manifestement dangereux, et cela malgré leur casier déjà vertigineux. Les juges ne peuvent plus éluder les conséquences de leurs décisions dans des cas aussi manifestement pathologiques.
Rebâtir une réponse crédible suppose également une plus grande transparence institutionnelle : il est légitime que les citoyens puissent comprendre les motivations qui conduisent à maintenir en liberté une personne comptant plusieurs dizaines voire centaines de mentions judiciaires. Dans un État de droit, la confiance ne repose pas sur la parole d’autorité mais sur la lisibilité et la traçabilité des choix judiciaires, y compris les plus sensibles. C’est à ce prix que l’on pourra reconstruire une justice pénale digne de ce nom qui n’excuse pas l’inacceptable sous prétexte d’humanité mais qui assume pleinement sa mission première : garantir la sécurité des citoyens face aux menaces persistantes.
Ces affaires de Lyon (160 antécédents judiciaires) et de Paris (38e condamnation pour vol) ne sont pas des cas isolés ou anecdotiques : elles incarnent le point de rupture d’une doctrine pénale en décomposition. La justice, en laissant prospérer de tels profils, abandonne sa fonction la plus élémentaire : assurer la sécurité des citoyens et le bien-être social.
Le droit existe, les outils sont là, mais leur inaction discrète ou leur application symbolique pose une question plus cruciale que tout rhétorique politique : quelle justice veut-on vraiment avoir ? Tant que la récidive sera tolérée comme une variable d’ajustement, la parole judiciaire continuera d’éprouver le mépris, et la confiance collective de se déliter.